Genre : science fiction
Titre original : The Penultimate Truth
Traduit de l'anglais par Alain Dorémieux
Editions Robert Laffont
Date de publication : 1964

Intrigue : Dans un avenir proche, les hommes ont provoqué une troisième guerre mondiale qui a anéanti les villes et le mode de vie d'autrefois. Les gens se réfugient sous terre en attendant la fin des conflits. Restant seuls à la surface, les puissants et leurs sbires, cachant à la populace que la guerre est finie depuis plus de dix ans, s'octroient de larges domaines à la manière des seigneurs du Moyen-Age. Le président d'une communauté souterraine, Nicholas Saint James, est mandaté à la surface pour sauver l'ingénieur responsable de la survie de sa communauté. Il découvre la vaste supercherie qui a cruellement manipulé le peuple souterrain pendant toutes ces années.

Ce roman à la fois haletant et édifiant analyse admirablement la mise en place d'une vaste dictature planétaire avec son incontournable propagande, ses petits et grands exécutants de basses œuvres, et, de l'autre côté, ses victimes innombrables. Il met l'accent sur le processus de création d'un homme fort et charismatique, d'un leader, et de son discours habilement mensonger. Il met en avant une triste vérité historique, déjà exploitée par George Orwell dans son célèbre 1984: la guerre est avant tout un outil dont les puissants usent et abusent pour contrôler le peuple.

Morceaux choisis : "'Brose m'a précisé, dans un mémo qui est arrivé à l'Agence directement de son bureau de Genève, qu'il fallait pour ce discours prendre l'écureuil comme entité opérationnelle. Mais que raconter à leur sujet qui n'ait déjà été dit ? Ils mettent leurs provisions de côté ; ils sont frugaux. Nous le savons. Mais font-ils autre chose de bon à ta connaissance, n'importe quoi dont on puisse tirer une morale ?' Et d'ailleurs, pensa-t-il, ils sont tous morts. Ils n'existent plus en tant que forme de vie. Mais nous continuons à prôner leurs vertus... après avoir exterminé leur race.
Avec une vigueur délibérée, il composa sur le clavier du verbaliseur deux nouvelles unités sémantiques. Ecureuil. Et... génocide.
La machine au bout d'un moment déclara: 'Il m'est arrivé la plus drôle des choses hier en allant à la banque. Je traversais Central Park, et savez-vous ce que...'
Avec un regard incrédule en direction du verbaliseur, Joe déclara: 'Vous avez traversé Central Park hier ? Il y a quarante ans que Central Park a disparu.'
'Joe, voyons, ce n'est qu'une machine.' Ayant enfilé son manteau, Colleen venait l'embrasser avant de partir.
'Mais enfin ce bidule est dément', protesta-t-il. 'Et il parle d'une chose 'drôle' alors que je lui ai donné le mot génocide.'"

"'Eux, ils s'appellent les Yancees. et les Yancees dont c'est le boulot écrivent les discours et les introduisent dans le Mégavac, et alors l'ordinateur fait du délayage avec, il ajoute les intonations voulues et les gestes et il communique tout ça au mannequin. C'est pour ça que ça a l'air vrai. Une fois que c'est filmé sur bande, on envoie le truc à Genève, au Yancee en chef qui mène toute la mafia, un mec qui s'appelle Brose. Et s'il dit que c'est O.K., ils transmettent la bande sur le coax dans tous les abris de la Dém-Ouest.'
'Et il y en a un autre en Russie', intervint l'un des hommes.
'Mais la guerre ?' fit Nicholas.
'Elle est finie depuis des années', indiqua Jack Blair.
'Je vois' dit Nicholas.
'Ils ont des studios de cinéma à Moscou', dit Blair. 'Ainsi qu'une Agence à New York. Et les deux blocs se les partagent. Il y a un réalisateur de films soviétique nommé Eisenbludt, un type doué ; c'est lui qui met en scène toutes le séquences de destruction que dans les abris vous voyez à la T.V. D'habitude ce sont des modèles réduits... des maquettes. Parfois c'est grandeur nature, par exemple quand on voit les solplombs en train de se battre. C'est du beau boulot ; je veux dire, vachement convaincant. Quand la télé qu'on a ici arrive à marcher, on peut capter les images. Nous aussi, quand on était en bas, on s'y laissait prendre. Cet Einsenbludt et tous les Yancees, ils ont mené tout le monde en bateau ; sauf que simplement il y a de temps en temps des types qui ont un doute dans les abris et qui remontent.'"