Genre : roman noir
Titre original : Un bell'avvenire
Traduit de l'italien par François Rosso
Editions Robert Laffont
Date de publication : 2010

Intrigue : De retour de la guerre qu'il a menée aux côtés des fascistes, Fulvio Amitrano apprend la mort de son grand frère Lucio qu'il n'a pas vu depuis 3 ans. Lucio est son idole, son éternel modèle. Il est aussi un fasciste exalté qui s'engage pour ses idées. Mais il a été assassiné en pleine rue à la fin de la guerre. Fulvio cherche à découvrir qui a tué son frère et pourquoi. Il se lance dans un long périple, allant d'une ville à l'autre et d'un témoin à l'autre, pour parvenir à reconstituer les dernières années de vie de celui pour qui il a tant d'admiration.

A travers le parcours quasi initiatique de Fulvio, qui va de découvertes en découvertes au sujet de son frère, le lecteur est pris dans un monde pervers et pourtant bien réel : celui de l'extrémisme avec sa cohorte de délations, de violence et de haine. Dans ce roman au cadre historique bien documenté, c'est tout un système totalitaire que l'on appréhende de l'intérieur. Cette démarche rappelle celle que Robert Merle avait eue dans son "La mort est mon métier", dont le personnage principal était un gradé nazi. Elle est saine d'un point de vue historique mais aussi d'un point de vue humain : malgré toutes les atrocités engendrées par le fascisme ou son cousin allemand le nazisme, ou plutôt à cause d'elles, il faut bien que nous cherchions à comprendre comment nous avons pu en arriver là. Le roman de Marco Videtta fait mouche et apporte un éclairage à la fois émouvant et édifiant du fascisme italien.

Morceaux choisis : "Gracco Portanova ne faisait pas honneur à la race humaine. En me rendant en tramway à la prison San Vittore, je m'étais attendu à rencontrer un dur, le genre de type à prendre avec des pincettes. Au lieu de quoi, depuis vingt minutes, j'avais devant moi un amas de chair tremblante qui ne cessait de geindre comme un animal qu'on vient de castrer. Il émanait de lui une odeur âcre, acide, qui mêlée à la puanteur de son linge sale, le rendait inapprochable. ... J'étais prêt à comprendre et accepter sa peur : qui ne l'aurait pas ressentie à sa place malodorante ? Mais je trouvais insupportable, chez un homme qui avait fait de la violence son unique credo, cette totale absence de dignité devant une menace qui, cette fois, pouvait peser sur lui."

"C'était la guerre de mon frère. Je l'avais livrée en son nom. Mais qui était mon frère ? Un fanatique, aucun doute. Mais quoi d'autre ? Un bon garçon dévoyé par des pervers ? Un arriviste qui avait laissé libre cours à sa frustration ? Ou un jeune homme peu sûr de lui au fond, qui s'était cherché un but et avait fini par se mettre au service d'une bande de tortionnaires ?"